Lettre de la Présidente : Miavotra, un bébé sans lait

Salama !!!
Bonne et heureuse année 2023 à toutes et tous !
Pour cette fin du premier trimestre scolaire, les écoliers ont eu avec la remise de leur bulletin trimestriel deux bonbons en plus de leur collation quotidienne en guise de goûter de Noël.
Il y a de nombreux moments heureux que nous vous avons partagés, et parfois et heureusement, très rarement des drames nous ont concernés. Je souhaite donc porter à votre connaissance la terrible histoire qui nous a tous affectée afin que nous soyons conscients de la dure réalité traversée par la population malgache.
Notre association a eu un grand malheur en cette fin d’année 2022, celui d’enterrer une jeune femme d’à peine 17 ans, Gerine que nous suivions depuis le CP et qui était en première cette année scolaire. Enceinte, elle a dû quitter le lycée, la naissance était attendue pour janvier 2023. Début décembre, Gerine était partie rejoindre le père de son futur bébé, jeune bachelier qui avait obtenu un poste d’instituteur en brousse, à 4 jours de marche d’Ankazobe. Cette grande fatigue générée par son lointain déplacement a dû provoquer son accouchement prématuré. La petite Miavotra a donc montré le petit bout de son nez le 9 décembre 2022.
Voulant passer les fêtes de Noël auprès de leurs familles habitant à Ankazobe, voilà les deux jeunes parents, leur nouveau né et deux collègues du papa, en route, à pied, en direction d’Ankazobe. Durant ce périple, exténuée par de longues heures de marche et pendant l’ascension d’une montagne, la jeune maman demande à son compagnon de prendre le bébé dans ses bras afin qu’elle se pose un peu. Gerine s’assoit donc pour un bref moment de repos car la route est encore longue. Il faut traverser à pied avant la nuit l’Ikopan, une rivière infestée de crocodiles, sinon il faudra attendre que le jour se lève et le voyage sera encore plus long. Là, une fois assise, Gerine qui a accouché il y a 7 jours, décède malheureusement après s’être plainte de violentes douleurs au ventre.
Que s’est-il passé ? Personne ne le saura jamais…
Après quatre jours et trois nuits de marche, avec le corps de la maman défunte portée sur un brancard improvisé, les trois hommes et le bébé arrivent enfin à destination. Pendant ce long périple, c’est avec de l’eau sucrée que Miavotra est nourrie jusqu’à ce que, en traversant un village, une maman allaitante est sollicitée pour donner le sein à l’enfant. A Ankazobé, elle est prise en charge par la sœur de la défunte, qui avait encore du lait pour sa fille de deux ans.
Nicole qui parrainait la jeune lycéenne souhaite offrir son parrainage et plus si besoin pour aider la petite fille et sa famille.
Le 2 janvier 2023, pendant une conversation téléphonique avec Madagascar, j’apprends que notre petite Miavotra n’a plus assez à manger car la lactation de sa tante n’est plus suffisante pour les besoins du bébé. Je me sens complètement démunie et impuissante devant ce cas urgent pour sauver ce bébé.
J’appelle l’UNICEF Paris qui ne peut rien faire pour ma demande, ni moi ni l’enfant n’étant connu chez eux. Puis j’appelle La Croix-Rouge française qui m’écoute mais qui me demande d’écrire un e-mail… Je perds mes moyens… Tout se bouscule dans ma tête. L’idée de donner le biberon à ce nourrisson me fait frémir, sans eau potable, sans surveillance et sans apprentissage des règles d’hygiène de base aux parents pour donner des biberons, c’est condamner ce bébé.
Après quelques instants de recherche sur internet, je trouve l’ ONG Zazakely Enfants de Madagascar dont un numéro en France est accessible. J’appelle immédiatement. Un monsieur très gentil écoute mon histoire et mes craintes. Il me demande de patienter quelques instants et dès son retour chez lui, me rappellera car son épouse est la présidente d’honneur de cette ONG. Elle saura m’aider.
Chose faite, Michèle Esslinger me rappelle. Je lui raconte ma terrible histoire avec beaucoup d’inquiétude et d’émotion. Sans hésiter une seconde cette dame me dit que dans les minutes qui suivent tout sera mis en œuvre pour que cette petite fille soit prise en charge de façon sécure. Nous avons grâce à son aide et celle de notre association, pu conduire Miavotra, sa tante Zo et son papa Velokasy au centre d’accueil « Au nid des Cigognes » à Ambatolampy Tsimahafotsy dès le 4 janvier au matin.
Les parents et le nouveau-né y sont pris en charge quelques jours gratuitement, le temps d’être autonome pour l’alimentation au biberon du bébé. Une visite médicale a été faite à son arrivée, un suivi régulier ainsi que le biberon et le lait artificiel sera proposé pour le bébé.
Notre association assurera les frais de transport des parents pour les rendez-vous donnés par cet organisme tous les 10 jours pour la surveillance sanitaire et le don de lait. Le centre se situe à 90 km d’Ankazobe soit 1 heure 30 à 2 heures en voiture pour l’aller.
Un appel au don est ouvert pour aider Miavotra et sa famille car les frais engagés seront ponctionnés sur l’enveloppe de fonctionnement de notre école.
Un de nos donateurs monsieur Pascal G m’ayant contacté pour l’association a été informé de ce cas, et avec son fils ont décidé d’ouvrir une cagnotte d’aide de leur côté. Je les remercie grandement pour cette initiative.
Je tiens à remercier du plus profond de mon cœur Mr et Mme Esslinger d’Alsace, ainsi que Mme Tiana, Directrice du centre d’accueil à Madagascar, sans qui l’issue de mon histoire n’aurait pas été la même. Ensemble nous aurons tout mis en œuvre pour sauver cette petite fille dont la traduction de son prénom veut dire « chanceuse ».
Une autre élève Pascaline, âgée seulement de 14 ans a accouché aussi cette année 2022, elle va plutôt bien mais est déscolarisée de sa classe de 4eme car elle n’a plus le droit à l’accès scolaire.
Voilà notre fin 2022 bien mouvementée avec une saveur douce-amère. Nous sommes dévastés par ces événements devant lesquels nous sommes complètement impuissants.
Madagascar n’échappe en rien à ce phénomène de l’inflation. Nous n’avons plus les moyens de donner quotidiennement une assiette de riz aux enfants, seuls deux petits pains sucrés à base de farine de riz calment leur faim. Tous nos enfants n’étant pas parrainés, de nombreux dons se sont arrêtés pour des raisons souvent économiques, il faut faire en sorte de prioriser les besoins en faisant tourner l’association. Beaucoup d’habitants d’Ankazobe aujourd’hui ne mangent qu’une fois par jour du manioc (très peu nourrissant), quand ce n’est pas un jour sur deux.
Voilà à quoi est réduit ce pays si lointain dont les moyens économiques se réduisent comme peau de chagrin, c’est inexorable. Nous faisons du mieux que nous pouvons à notre échelle.
Espérons que 2023 commence sous de meilleurs auspices.
Je vous remercie pour votre confiance et votre soutien constant en vous renouvelant les meilleurs vœux de tous les membres de l’association Ankazoube.
La présidente, Martine Vaast
Gerine à droite, la maman de Miavotra en 2018
Miavotra dans les bras de sa tante Zo, son père à droite et son oncle à gauche
Lettre de la Présidente : Miavotra, un bébé sans lait

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